Il y a quelques jours j’ai été particulièrement intéressée et impressionnée par la chronique littéraire matinale de France 2. Il y était question d’un livre sur l’irrationnel, sur l’imperceptible, l’inaccessible à la raison.
Je tiens ici à apporter mon témoignage sincère, sans altération d’aucune sorte, sur les faits impalpables qui se sont produits, que j’ai vécus à différentes époques de ma vie sans que je puisse en apporter le moindre éclaircissement.
Nous habitions dans mon enfance une grande maison située à environ cinq cents mètres d’un petit village de trois cents habitants. Cette maison avait un étage et au-dessus, un grenier dans lequel nous remisions pour l’hiver le bois des poêles et de la grande cheminée lorraine.
Or, il se passait toujours dans cette maison des faits étranges dont nous n’avons jamais eu l’explication. Par exemple, un jour que nous étions en train de déjeuner mon frère et moi avec nos parents, le berger-allemand assis sur son train arrière entre mon père et moi, dressa ses oreilles et se mit à trembler curieusement en nous regardant avec inquiétude.
Tout à coup, Frio se mit à hurler à la mort. Au même moment, les petits carreaux d’une porte séparant la salle à manger d’un couloir, tombèrent en un fracas épouvantable. Chacun de nous, muet d’appréhension, s’était retourné brusquement pour constater les dégâts mais il n’y avait pas le plus petit éclat de verre au sol, pas le moindre dommage.
Enfin, le calme était revenu.
Parfois, c’étaient les cadres d’une pièce qui se mettaient à cogner furieusement le mur tandis que de mystérieux coups de poing frappaient la porte de bas en haut.
Il arrivait aussi que nous entendions tout le bois empilé dans le grenier débouler les escaliers pour aboutir à une remise du rez-de-chaussée mais là encore, nous pouvions constater que rien n’était tombé. Pas la moindre bûche n’était déplacée.
A diverses reprises, c’était la vaisselle du grand buffet régional de la cuisine qui s’entrechoquait pour tomber des étagères en mille morceaux dans un bruit infernal alors qu’aucun dégât n’était constatable. Nous ne voyions jamais rien qui aurait pu nous apporter une explication à ces représentations diaboliques.
Par ailleurs, ce qui nous effrayait au plus haut point, c’étaient les plaintes sourdes, étouffées qui s’amplifiaient, les pleurs qui s’ensuivaient, les soupirs qui nous terrorisaient.
Telle a été l’ambiance dans laquelle s’est déroulée mon enfance.
Nous avons quitté cette maison pour Paris et là, seul le musée Grévin m’avait fait frissonner en me remémorant notre vie dans le manoir de l’Est de la France. Puis vint le temps où je me suis mariée pour vivre sous les tropiques. L’amour, le grand soleil, la nature aux couleurs éclatantes, tout avait contribué à estomper cette période angoissante de mon enfance quand beaucoup plus tard un grand malheur dissipa les années heureuses qui avaient presque effacé de ma mémoire ce que nous appelions communément « le temps des fantômes ».
Je venais de perdre mon mari encore bien jeune. Mes enfants et moi étions très malheureux et désespérés. Alors que dans une prière particulièrement implorante je lui demandai de ne pas nous abandonner, je sentis une forte pression sur ma main comme pour me rassurer.
Une autre fois, alors que je me maquillais, j’ai nettement vu le visage de mon mari par-dessus mon épaule. Il me souriait tandis que le miroir, solidement fixé au mur, se mettait à tanguer très doucement jusqu’à la disparition de son image.
De tels signes, j’en ai eus de nombreux au cours de la première année de son décès me laissant toujours dans le plus grand désarroi. Puis ils s’éloignèrent peu à peu jusqu’au jour où un phénomène extraordinaire se produisit à nouveau.
J’étais assise un soir devant mon bureau, réfléchissant à certains problèmes, quand mon stylo roula sur le sol. Je le ramassai tout en l’examinant machinalement. C’est alors que j’entendis nettement la voix de mon mari qui se faisait très douce et insistante : « Ecris ! N’arrête jamais d’écrire. Suis ton stylo et écris ! »
Tout en me parlant, la voix semblait guider ma main sur un tourbillon de signes que je mis longtemps à déchiffrer tant ils ressemblaient à un gribouillage d’enfant mais le mot « Ecris ! » revenait sans cesse.
Plusieurs décennies passèrent depuis ce jour, quand la critique d’un dixième livre mentionnait à propos de «
La mort était présente au G7 » : véritable thriller qui nous amène à démasquer un fantôme assassin après avoir fait trembler d’épouvante les propres fans de l’auteur de ce roman.
Quelques jours plus tard, alors que je rêvais tout éveillée comme cela m’arrive encore souvent, quand j’entendis à nouveau la voix de mon mari. Elle me disait très nettement, avec une infinie compassion : « Ecris, tu dois savoir ! »
Les tourbillons de l’écriture automatique envahirent ma page pour me livrer enfin un secret qu’il était temps de me dévoiler. Deux vers en haut de page introduisaient le texte révélateur :
« Je suis celui qui te console dans la peine
Je suis celui qui te veut à nouveau sereine »
L’écriture poursuivait : « Le fantôme assassin de ton livre était, dans ton inconscient, l’un de tes plus proches parents qui avait manigancé un plan pour te spolier en partie de tes propres biens. Ne crains rien, il est mort la veille de la publication de ton ouvrage ».
Tout ce qui précède des mystérieux événements qui ont stigmatisé mon enfance et une bonne partie du cours de ma vie, n’a toujours pas livré l’explication idoine que j’avais espérée. Je suis maintenant au ponant de ma vie. Est-ce que cela signifie que je vais découvrir bientôt les mystères de la communication ? Peut-être. Dans ce cas, je promets de faire apparaître l’écriture automatique sur la tablette numérique !